Alpinismes.free.fr - - - - - - Texte et illustrations Yves Saliba (tous droits réservés) . Dernière mise à jour le 08/08/2013 à 11:03

Quels outils prendre, pour quelles utilisations ?

Terrains glissants : Quoi prendre ?

Piolet, ou crampons, ou les deux, ou bâtons, ou corde, ou...?


Ces questions font l'objet de débats houleux et répétés.
Nous allons essayer ici de poser la question avec plus de clarté. Il en découlera peut-être quelques réponses....
Nous supposerons ici que vous connaissez le mode d'emploi de chacun de ces outils (les autres chapitres de cet ouvrage peuvent vous y aider)

Protection, Progression ou Assurage ?

En se munissant d'outils et du savoir-faire et de l'entrainement qui vont nécessairement avec, que recherche-t-on ?
(Sur ce sujet voir aussi ProtectionAssurage)
Définitions
Pour simplifier nous nommerons "techniques..." cet ensemble indissociable d'outils et de savoir-faire et d'entrainement.

Prévention

La prévention peut être réalisée :
-soit en restant chez soi (la montagne, c'est dangereux quoi que l'on fasse !)
-soit en choisissant de itinéraires (difficultés), des conditions météo, des compagnons, un équipement, etc qui soient en adéquation avec nos intentions, nos compétences et nos aspirations.
La notion de "sécurité" est à la base de la prévention mais la sécurité n'est PAS l'absence de risque (voir volte Anthropologie).

Progression
Nous nommerons "techniques de progression" celles qui permettent :
-d'avancer plus facilement (en se fatiguant moins)
-de franchir des obstacles qui sinon nous arrêteraient
-d'éviter de chuter
exemples : techniques d'escalade, crampons...

Assurage
Nous nommerons "techniques d'assurage" celles qui permettent, lorsque la technique de progression n'a pas empêché que la chute se produise :
-de limiter l'ampleur de la chute
-de permettre la mise en place d'une procédure de secours si la chute entraine une situation de détresse (blessure ou panique)
exemples : position d'arrêt, corde et technique d'assurage par corde, parades
L'assurage est une notion qui ne peut être envisagée que si on se considère comme faillible et mortel
Personne ne prétendra être infaillible bien sûr, mais "l'attitude de l'autruche" est courante : penser à l'assurage, c'est envisager l'accident, la blessure, l'échec et la mort : c'est pas drôle, alors on a tendance à éluder le sujet et ne penser qu'à la progression.

Protection
Nous nommerons "techniques de protection" celles qui permettent, lorsque les techniques de progression ou d'assurage ont trouvé leur limite et permettent :
-de réduire l'importance des blessures
exemples : casque, chaussures solides (contre écrasement ou entorses)


Propensions

L'idée qui se présente en premier est de se faciliter sa progression.
Il est d'ailleurs significatif d'observer que les personnes qui n'ont jamais utilisé un piolet par exemple et a qui on demande d'imaginer comment on utilise cet outil évoquent soit de l'utiliser comme en piolet-traction, soit de l'utiliser comme un grappin "attaché au bout de la corde, lancé au sommet, ensuite y'a plus qu'à monter à la corde"...
Prendre en considération l'assurage (c'est à dire l'éventualité d'un échec de progression) ou la protection (c'est à dire d'un échec de l'assurage) ne vient qu'en second lieu. Cela demande une réflexion, une maturation supplémentaires.
Dans un troisième temps, il peut ensuite se produire une inversion où l'individu recherchera Assurage et Protection avant de considérer les avantages de développer ses techniques de progression. Cela peut correspondre à un trait de personnalité, un manque de confiance (éventuellement justifié par un mauvaise expérience).

Nous évoquons ces termes "Prévention", "Progression", "Assurage", "Protection" ici sous un angle technique, pratique et "objectif".
J'attire votre attention sur ce qu'ils touchent profondément en nous sur le plan psychologique et sur le plan existentiel. Ces dimensions seront développées dans le volet Anthropologie mais, chacun peut s'en faire une idée avec un peu d'introspection. Il faut garder présent à l'esprit les conséquences qu'elles ont sur notre "penchant" vers telle ou telle technique (en dehors de critères objectifs).
Ce n'est qu'à ce prix que l'on peut comprendre et contrecarrer certaines erreurs.

Compétences :

.

Un équipement sera utile si l'on sait l'utiliser. Dans le cas contraire il pourrait être nuisible.
Par exemple : la corde.
Marcher encordé peut, si les membres de la cordée sont équipés et compétents pour le terrain où ils évoluent, augmenter la sécurité globale. Grâce à la corde, un "faux pas" d'une personne alors pourra être enrayé. Par contre, dans le cas contraire (malheureusement fréquent), ce même faux pas aura comme conséquence de faire chuter tous les membres de la cordée et de les entrainer vers l'abîme.
Le piolet : utiliser un piolet sans avoir appris à s'en servir (ce qui nécessite une journée complète d'exercices) peut déboucher sur une illusion de sécurité. En effet, comme un parachute, ou une corde, l'efficacité du piolet n'est testée que lorsque la chute se produit.

L'inconvénient de se munir d'un équipement que l'on maîtrise mal est aussi que cela incite à s'engager sur des terrains où on atteint son "seuil d'incompétence".
Exemple avec les raquettes :
Les petits crampons des raquettes permettent d'aller sur neige dure jusqu'au moment où "ça décroche" et là, sans piolet, le rattrapage est fort difficile.
Les crampons d'alpinismes posent un peu le même problème.
Acheter piolet et crampons implique de consacrer du temps à apprendre à s'en servir car leur usage n'a rien d'évident...et le piolet encore plus que les chaussures, bâtons ou crampons,



Fonctions des différents outils (rappel simplifié)

Chaussures

Outil indispensable ! Protègent des chocs, écrasement, torsion excessives et du froid; Permettent l'accroche par prise de carre et éventuellement une adhérence.

Bâtons

Les bâtons coutent peu (notamment les NON télescopiques).Pèsent peu
Soulagent les jambes; aident à maintenir l'équilibre; peuvent être utilisé en appui-ramasse.

Piolet de randonnée

Permet l'arrêt d'une glissade par la "position d'arrêt". En progression permet l'ancrage et l'appui-ramasse.

Paire de piolets "traction"

Utile pour le franchissement de parois de glace très raides ou verticales

Crampons

Nécessaires sur verglas, glace ou neige très dure sur lesquels les chaussures ne peuvent pas prendre de carres. Leur usage dans d'autres cas (par facilité) peut être plus dangereux qu'utile.

Corde

Solidarise les membres de la cordée : la chute de l'un d'eux peut donc soit être enraillée par les autres; soit entrainer la chute de tous.
Permet de descendre en rappel, de sortir une personne encordée tombée dans une crevasse ou de permettre aux personnes moins à l'aise de suivre le "premier".

Raquettes

Permettent la progression sur neige molle et/ou peu pentue avec peu de connaissances techniques.

Skis

Permettent la progression sur tout type de neige. Nécessitent une maitrise technique.



Selon le terrain :

Tout d'abord, une évidence : la base de la sécurité c'est de disposer de chaussures sérieuses (par exemple semi-rigides).

Randonnée sur terrain sec peu pentu

Chemins ou éboulis : l'essentiel est d'avoir des chaussures semi-rigides (tenue, protection, prise de carres)
Des bâtons peuvent aider dans certains cas, surtout si on maitrise l'appui-ramasse.

Herbe

L'herbe est un terrain dangereux. Cela parait facile mais si la pente est raide, un faux pas peut avoir de graves conséquences.
Chaussures semi-rigides.
Bâtons si peu pentu. Dans certains cas de pentes très raides, un piolet peut être le bienvenu.

Névés
Le névé de rencontre est une cause d'accident des plus fréquentes.
Partis pour "se  promener" sur sentier on se retrouve devant un névé pentu qui nous barre la route sur quelques mètres. (C'est souvent le cas au printemps).
Chaussures sérieuses + bâtons (utilisés en appui-ramasse ou en pieu) est un minimum.
Si on dispose d'un piolet, il faut l'utiliser : chaussures sérieuses + piolet c'est beaucoup mieux.
Si on a des crampons : ne les chausser que si la dureté de la neige le justifie ET que l'on dispose d'un piolet (dont on sait se servir).
Marcher en crampons seuls ou en crampons+ bâtons est une technique de progression sans aucune chance de rattrapage : une illusion de sécurité.


Rocher verglacé, coulure de glace



Glacier
…......


Neige hivernale ou de haute altitude
skis ou raquettes
Lorsque la neige est profonde (ou molle) il devient nécessaire d'utiliser des skis ou des raquettes.
Le choix entre ces outils est essentiellement une question de compétence.
Quand on sait skier, il est plus amusant, plus efficace, plus rapide et plus sûr de se déplacer à skis (surtout skis alpins)
Les raquettes ont pour elles d'être bon marché et légères mais elles sont inadaptées sur pente raide, ou sur glacier. Elles sont à exclure dans les situation où on doit progresser encordés.






Le grand débat : piolet et/ou crampons

Pour une excursion au cours de laquelle on peut être amené à rencontrer des névés doit on prendre (et utiliser) ?
0-rien (que les chaussures)
1-les bâtons seuls
2-le piolet seul
3-les crampons seuls
4-crampons+ piolet
5-crampons + piolet +1 bâton
6-piolet + bâtons


Voici quelques critères d'appréciation :

Disponibilité
Les crampons nécessitent un chaussage/déchaussage qui prend un peu de temps et d'énergie. Pour un long passage, pour un glacier, pas de problème, mais pour traverser un petit névé, cela peut faire hésiter, on tente le coup sans chausser les crampons et, ... c'est la cata.
Le piolet quant à lui est disponible instantanément et on l'utilisera pour le moindre petit névé (ou pour d'autres terrains comme une pente d'herbe...)

Progression/Assurage
-Les crampons et les bâtons sont essentiellement des moyens de progression. Les bâtons peuvent aider un peu mieux que les mains nues pour se freiner (c'est trèèès limité); Les crampons, quant à eux, sont nuisibles à l'assurage.
En cas de petite chute, le fait d'avoir des crampons aux pieds augmente la dangerosité. Le piolet peut permettre de la compenser.
Chausser les crampons sans piolet c'est comme faire de la via-ferrata en solo : c'est facile, rapide, cela peut être un choix stratégique (encore que....) mais il faut rester conscient qu'en cas de petite bourde c'est .... le grand plongeon.

-Le piolet, quant à lui, est essentiellement un moyen d'assurage (mais il facilite aussi la progression par les fonctions de canne, ancre, taille de marche, etc...). La progression avec piolet et sans crampons sur neige pas trop dure se fait bien mais nécessite de bonnes chaussures et une bonne maitrise technique. Si la neige devient trop dure ou sur glace il faudra tailler des marches ce qui est laborieux et n'est faisable que sur de petites distances.
La méconnaissance des techniques d'utilisation du piolet est assurément la cause essentielle de sa sous-utilisation et de la tendance à se rassurer avec les crampons.


Facilité ou sécurité ?
Quand "ça glisse un peu" marcher en crampons permet que "ça ne glisse plus"; les crampons permettent en quelque sorte de ne pas ressentir le caractère glissant du terrain, ce qui rassure mais sans piolet c'est un piège.
Cela incite, sans maitrise technique à passer à des endroits où normalement on ne se serait pas engagé parce qu'on en a pas le niveau. Cette "anesthésie" de la sensation de glisse est je le crois la motivation essentielle de l'usage tout azimut des crampons.

Marcher en crampons est donc plus facile mais, marcher avec des crampons augmente le risque de chute par trébuchage (pointes dans le mollet, dans les guêtres...) en outre, même avec des crampons on peut avoir une surprise surtout lorsqu'on s'en sert sur neige molle comme le font trop de gens.

Dangerosité : plus dure sera la chute
Les crampons augmentent le risque de trébucher par accrochage dans les mollets ou guêtres.
Ils sont nuisibles à l'assurage : si on vient à glisser il augmentent la difficulté pour se freiner car ils interdisent de se servir des pieds pour se freiner. Si on essaye, le risque est le catapultage ou au moins la pivot tête en bas et donc fracture du crâne dans les cailloux en bas du névé) : (seul antidote : le piolet). Pendant une chute le risque est élevé de se perforer les mollets avec; Le bloquage peut aussi entrainer la fracture des malléoles.
Une chute avec crampons aux pieds et sans piolet à la main, est une situation d'emblée catastrophique....
Marcher en crampons et sans piolet (sur terrain pentu) suppose que l'on parie de ne faire aucun faux pas.


 légèreté
Le piolet permet de tailler des marches, il peut être passé de main en main et constitue donc pour des petits névés tel qu'au printemps un matériel qui peut être mis en commun ce qui n'est pas possible avec des crampons.


Conclusion
Chacun fait comme il l'entend à condition de ne pas entrainer les autres dans son erreur....
La priorité est d'apprendre à se servir du piolet. Ce n'est qu'à cette condition que l'on sera en mesure de décider judicieusement des outils à utiliser.
Quand on sais se servir de son piolet, il devient évident, lorsque l'on envisage d'avoir à traverser des névés de se munir d'abord d'un piolet.
Si les conditions son propices à rencontrer de la neige très dure ou de la glace on prendra en plus les crampons.
Les bâtons peuvent eux accompagner n'importe quelle randonnée, ils contribuent à la sécurité mais leur efficacité n'est pas comparable avec celle d'un piolet.
Cas particulier 1 piolet + 1 bâton. Certains adoptent cet équipement pour obtenir à la fois le soutènement d'un bâton et la sécurité d'un piolet. Dans ce cas le piolet doit absolument être tenu dans la main amont et il faut se rendre compte qu'en cas de chute le bâton peut entraver l'utilisation du piolet.



Marche encordée

Lorsqu'on s'encorde sur névé pentu (risque de glissade) ou glacier (risque de chute en crevasse), c'est que l'on envisage l'éventualité d'une chute.
On est d'entrée de jeu dans une stratégie d'assurage.
Il faut pouvoir contribuer au freinage d'une chute de la cordée : cela ne peut se faire efficacement qu'avec un piolet
Etre alors équipé de crampons sans piolet à la main signifie que l'on se met au contraire dans l'incapacité de contribuer à l'assurage et que pire encore on s'apprête à entrainer les autres dans sa chute.
Les bâtons facilitent la progression mais ne servent presque à rien pour l'assurage.
S'encorder avec des crampons, sans piolet à la main est une grave erreur qui pourrait être qualifiée par exemple "de mise en danger de la vie d'autrui...".
Mais alors l'enseigner ! ! ! on tombe dans l'innommable.
Pourtant certains le font. Voici par exemple des photos de manoeuvres effectuées lors de stage de "sécurité sur glacier" (on croit rêver ! ) organisé par le Club Alpin Français de Toulouse : http://picasaweb.google.com/JeanLeCorre … 1689934162

une semaine plus tard, l'encadrant ainsi formé transmettait la contagion à ses ouailles ainsi :
http://picasaweb.google.com/julien.defo … 7900301746

Que vont devenir ces jeunes gens à qui on a inculqué de telles âneries mortifères ?

Cette pratique assassine découle directement de l'habitude de chausser les crampons-sans-piolet ce qui comme je l'ai expliqué est une pratique périlleuse. Lorsque ces gens s'encordent (ou font s'encorder leur élèves) ils appliquent la même méthode SANS REFLECHIR et de l'imbécilité tombent dans l'horreur.




Les phases de décision :


Quel(s) outil(s) utiliser selon le terrain ?

En supposant que l'on dispose sur soi ou dans son sac de tous les outils, il faudra décider si on "sort la corde" ou si on "chausse les crampons".
Le plus n'est pas toujours le mieux.

Quoi prendre dans/sur son sac à dos

La question qui vient immédiatement est celle du poids.
La constitution du sac à dos est toujours un compromis entre disposer du maximum d'équipement et porter le plus faible poids possible. Porter peu de poids répond bien sûr d'abord à un soucis de confort, de plaisir. Mais, un excès de poids peut aussi compromettre la sécurité par la fatigue engendrée ou par le déséquilibrage.
Un autre élément à prendre en compte est l'encombrement qui peut être gênant en escalade ou lors de passages en sous-bois.

Qu'emporter dans son véhicule ?

La plupart du temps on va à la montagne en voiture.
Quand on envisage une excursion pour laquelle on ne sait pas au départ ce qu'il faudra utiliser, il est recommandé de prendre dans la voiture tous les outils (piolet,crampons, corde, et même plusieurs paires de chaussures).
Une fois rendu sur place, on peut mieux connaitre les conditions (enneigement, température, météo) soit par observation directe, soit en interrogeant des alpinistes que l'on voit redescendre de l'endroit où on à l'intention de se rendre, soit en interrogeant les professionnels locaux (guides, gendarmes du PGHM...)

Quoi acheter, emprunter ou louer

Il convient de s'équiper selon le type d'excursion que l'on envisage de pratiquer.
Le budget n'est pas du tout le même selon le cas.
Chaussures
Il est bien évident que les chaussures constituent l'équipement minimum d'un alpiniste.
Louer ou emprunter des chaussures est problématique car il faut du temps pour "faire" les chaussures à son pied (ou l'inverse !) et pour s'habituer à la manière de marcher avec ce type de chaussure.
Les chaussures constituent un équipement personnel.  L'achat de chaussures est donc incontournable : c'est le premier investissement à effectuer pour un alpiniste. Reste à déterminer le type de chaussures entre des chaussures de randonnée légères et des chaussures rigides d'alpinisme ce n'est ni le même budget, ni le même poids.

Bâtons
Les bâtons sont d'un cout très modéré (non télescopiques) et ils sont très utiles en randonnée ordinaire.
En randonnée technique, il faudra privilégier le piolet.

Piolet, crampons
Il est possible d'emprunter ou louer facilement crampons, piolet ou même bâtons.
Les crampons récents possèdent des systèmes de réglage rapide sans outil. Les crampons devront être réglés pour ses chaussures avant de partir de la maison.

Corde
Louer ou emprunter une corde pose un problème de fiabilité et de responsabilité. En effet, un dommage sur une corde n'est pas toujours facile à repérer (l'âme peut être abîmée sans que la gaine le soit). Une corde ne devrait être utilisée que par son propriétaire ou sous les yeux de son propriétaire.


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